•°•.•°• Bloody Heaven •°•.•°•

Daniel n'avait pas du tout prévu de servir de cette manière. Habituellement, les drainages étaient douloureux, mais il ne ressentait aucune douleur.

- Qui nous attaquent ?! Vu la façon dont on est exploités, on mérite de le savoir !

Du bruit se fit entendre à l'extérieur. Will se sentait extrêmement faible. Jamais de sa vie une telle sensation ne l'avait même effleuré. Quelques secondes après avoir faire cette remarque intérieure, il s'évanouit. La magie commençait à lui brûler la main. Peu de temps après, Maxime fut prit de vertiges et dut s'allonger sur le sol avant de s'évanouir à son tour. Les murs alentours commençaient à se fissurer, le sol se craquelait, les meubles tombaient en ruine. De toute évidence, le sort demandait beaucoup d'énergie. Au bout d'une quinzaine de minutes, la terrible pression qui avait vidé les trois garçons de leur énergie cessa brusquement. La vieille femme apparut alors à leurs côtés, échevelée, le visage livide. Elle était à l'évidence au bord de l'évanouissement.

Daniel combattit pour ne pas s'évanouir, mais il dut se rendre à l'évidence : il finirait par craquer. Il vit la femme qui les avait accueillis. Il avait sous-estimé les ennemis. Pour qu'elle soit dans cet état, ils avaient dû être redoutables.

- C'était... qui ? demanda-t-il une énième fois, avant de tomber dans les pommes.

Will ouvrit les yeux. Il découvrit alors qu'il se trouvait allongé sur un confortable matelas blanc, sur un lit entre deux semblables sur lesquels étaient assis Maxime et Daniel. Il ne se souvint pas tout de suite de ce qui était arrivé mais bien vite, trop vite même, les souvenirs se jetèrent sur lui, fauves affamés et éphémères sur une proie trop fragile. L'habitation avait apparemment été rénové depuis l'attaque qu'ils avaient essuyé. Mais quelle était donc l'identité de ces ennemis qui avaient tenu le combat et soutenu la bataille durant tout ce temps face à cette femme d'une puissance extraordinaire ? Cette question le taraudait tellement qu'il en fit part à ses compagnons sans même s'en rendre compte. Juste à cet instant précis, la vieille femme entra dans la pièce, suivit d'un service à thé qui lévitait derrière elle. Celle si semblait totalement remise de la bataille de... Mais quand était-ce que cette bataille ? Combien de temps avaient-ils dormi ? Will l'ignorait mais il comptait bien demander des détails à leur hôte. Cependant, avant que le jeune homme ne puisse formuler ses interrogations, la magicienne prit la parole.

- Bon et bien, j'pense que j'vous dois quèques explications les p'tits loups. Donc la semaine dernière - oui, vous avez roupillé pendant une s'maine, bande de larvillons - nous avons été attaqué par le Chasseur. Le Chasseur est un Archonte, un des trois derniers encore sur cette planète. Les Archontes possédaient la plus puissante magie possible et c'est elle qui les a détruits. Celui-ci vous recherchait et j'ai dû l'expédier sur un autre continent pour être sûr que nous serons tranquilles. Maintenant, la grande question réside là : qui a réveillé cette Archonte ? La magie archontale est perdue depuis longtemps et en réveiller un est un acte de magie que nul sorcier ne peut ignorer. La personne qui en est à l'origine doit être extrêmement puissante. Au fait, je ne me suis pas présentée. Je m'appelle Hortense, mais je suis plus connue sous le titre d'Enchanteresse. J'habite sous l'arbre Mishna depuis de nombreux millénaires et j'ai pour mission de protéger de nombreux objets, principalement imprégnés de la magie archontale afin que ceux-ci ne tombent pas entre de mauvaise main. J'ai eu deux enfants, un garçon, une fille. Mon époux et mes deux enfants sont morts. Accessoirement, ma fille s'appelle Arya. Comme vous devez le savoir, c'est votre mère à tous les deux, Daniel et William : je suis donc votre mère-grand.

Les cookies et le nectar se posèrent sur un petit guéridon. Hortense sourit, visiblement satisfaite de la réaction des jumeaux. Will était en effet sidéré.

Daniel fut sous le choc. Cette révélation lui coupa le souffle, mais très vite, il se rendit compte qu'il n'avait encore rien expliqué à Will. Il se retourna vers ce dernier. Ça en faisait beaucoup d'un coup. Il fendit en larmes.

- Désolé Will... C'est de ma faute... Je n'ai pas su les protéger... Tout est de ma faute... Ils sont morts à cause de ma faiblesse. Maman, Rosalie et tous les autres... Je n'ai rien pu faire. Désolé... Désolé... Désolé... Désolé... Je suis pathétique...

Il s'adressa ensuite à tout le monde.

- Ma simple présence vous met en danger. Les mages noirs me recherchent, et je refuse que l'un de vous soit blessé par ma faute. Je crois que je ferai mieux... de vous quitter.

Ses yeux et ses joues étaient rouges à force de pleurer. Les larmes abondèrent.

- Dis-pas n'import'quoi mon p'tit gars, ça chang'ra... Les mages noirs, moi j'les mets en déroute en un claquement de doigts. Si vous voulez mon avis, et même si vous ne le voulez pas, l'auteur de cet appel n'a rien d'humain. Je pensais plutôt à... Oh non, pas elle. A moins que ça soit lui... Disons que j'hésite. Vous n'avez pas eu de message qui vous indiquait un itinéraire, j'espère ? s'inquiéta avec raison Hortense.

Will, de son côté, était contrarié par cette nouvelle. Ainsi sa soeur et sa mère étaient mortes. Bien, une information intéressante. Ou pas d'ailleurs. Les dents de Maxime s'étaient serrées à l'évocation de la mort de sa promise.

Dans le château, dont les pierres noircissaient à vue d'oeil, était maintenant désert, hormis les mages noirs qui en avaient pris possession. L'homme qui dirigeait à présent le royaume se délectait de grains de raisin noir. Une jeune servante était à ses pieds.

- Rosalie, sers-moi de l'eau, ordonna-t-il.

Daniel culpabilisa d'avantage en voyant ses compagnons. Il était l'uniquement responsable de ce chaos, de leurs souffrances... Il sécha ses larmes et se tourna vers Hortense.

- Cette voix nous avait dit que l'arbre Mishna nous guiderait... Qu'est-ce qu'elle voulait dire par là ?

Will s'allongea sur le lit. Maxime fit de même après avoir prit deux cookies dans sa bouche. Hortense leur sourit.

- Vous savez, le tableau peut paraître bien sombre, mais il est bien moins triste qu'il n'y paraît. En effet, je sais grâce, Dieu m'garde d'vous dire comment, à une p'tite astuce qu'une Rosalie, ma p'tite fille, n'est pas morte... Elle est prisonnière au château..

- Je vais la sauver !s'exclama Maxime en se redressant brusquement.

Rosalie ? En vie ? Daniel commença à se réjouir, mais très vite, il redescendit sur terre.

- Ce n'est pas l'envie de la sauver qui me manque, mais ne nous leurrons pas : nous ne pouvons rien faire à l'heure actuelle. Ils possèdent une étrange pierre démoniaque qui entravent complètement nos pouvoirs... Tant qu'ils l'ont, nous ne pourrons qu'être spectateur. D'ailleurs, je me demande comment ils ont pu mettre la main sur un tel objet... Quoiqu'il en soit, il faut trouver un moyen d'annuler ses effets, ou au mieux de la briser. Ou alors, avoir également un tel objet avec nous...

- L'Amethyste d'Erymanthe ? Ce caillou inoffensif... N'importe quelle arme digne de ce nom peut la briser... Enfin, une arme arcanique ou encore mieux archontale, bien sûr... L'ennui c'est que les armes archontales sont d'une rareté et d'une puissance mortelle, je pèse mes mots. Mais on peut fabriquer grâce au vif argent. Vous devez sûrement en avoir sur vous, je présume ?s'enquit la vieille femme.

Will ignorait tout de ces armes et lança un regard interrogateur à ses compagnons.

Daniel ne comprit rien à ce charabia.

- J'ignore ce qu'est le vif d'argent, je n'en ai jamais entendu parlé auparavant... Pourquoi on en aurait d'ailleurs ? s'étonna-t-il.

Hortense leva les yeux au ciel. Cependant, Will décela une lueur de contentement dans son regard. Il paraissait évident qu'elle appréciait le fait de savoir ce que les autres ignoraient. Elle prit un petit air satisfait avant de poursuivre d'un ton professoral :

- Malheureux, n'avez-vous aucune autre arme que votre magie sur vous ? Le vif argent est un métal indestructible, résistant aux enchantements et supportant très bien un sort quelconque . Par exemple, il a été vu dans le passé une épée, celle d'Asrael, un des plus grands mages que le monde ait connu, crachait des flammes, grâce à un enchantement. Ne me dites pas que vous n'avez pas entendu parler des sept Grands tout de même ? ajouta-t-elle devant leur s visages incrédules.

- Je ne possède aucune arme. Enfin, je peux en forger grâce à ma magie, mais l'inconvénient est qu'elles sont temporaires et moins puissantes que les vraies. Sinon, pour les sept Grands, je n'en ai jamais entendu parler.

- Pauvre ignare !, s'écria Hortense en donnant une très légère tape sur le tête de Daniel.Les Sept Grands forment, ou du moins formaient, un conseil médiateur composé du plus puissant mage de chaque espèce vivant sur notre continent, humains, elfes, nains, vampires, nymphes, fées et les hybrides. Cependant, le conseil a éclaté lors de la guerre qui a éclaté il y a quelques décennies entre les vampires et les elfes, les deux espèces les plus puissantes, physiquement comme magiquement, de notre continent. Deux de nos membres sont décédés dans cet immense pugilat. Parmi ces deux défunts se trouvaient Asrael, le mage le plus puissant qui soit né à ce jour. Après ce triste événement, le conseil s'est déchiré quant à la question de sa succession et a implosé. Aujourd'hui, chacun des cinq autres membres se sont retirés dans des demeures plus ou moins cachées. D'autres questions ?

Will écoutait avec une attention accrue : la vieille femme avait un certain don pour que ses histoires prennent forme devant vos yeux.

Daniel était un grand amateur d'histoires et de légendes, et il savoura le récit comté par Hortense.

- Il ne faudra donc une arme comme celle de Asrael ? Et d'ailleurs, où est son épée puisque son possesseur est mort ?

- Sa veuve la conserve toujours. Il vous faudra en fabriquer une auprès de la Grande Forgeronne. Prendriez-vous d'autres cookies ?, s'enquit-elle en changeant radicalement de sujet.

Hortense leur sourit. Cependant, Will sentit qu'une inquiétude plissait ses yeux vifs.

Daniel fut étonné. Pourquoi évitait-elle le sujet de la sorte ?

- Et cette Grande Forgeronne, où peut-on la trouver ? Il faut la voir au plus vite !

Oh, vous savez, c'est vraiment très compliqué. J'ai quelques armes dans un de mes coffres, elles ne vous obéiront peut-être pas pleinement, mais elles feront sans doute l'affaire. Prenez donc un cookie, s'empressa-t-elle d'ajouter.

Will regarda Maxime qui n'avait pas dit un mot et n'avait pas lancé un seul regard à quiconque depuis un petit moment.

Maxime était totalement perdu. Il n'était qu'un simple humain mais il fut noyé dans ce flot d'histoires concernant la magie. Il s'en voulut de n'être d'aucune utilité.

- Ne vaut-il pas mieux d'avoir une arme de cette Forgerone plutôt ? Même si c'est compliqué, on devrait pouvoir négocier, non ? insista-t-il.

Il sentit alors quelque chose qui n'allait pas. Daniel se retourna vers Maxime. Le pauvre... Il ne savait pas quoi faire pour lui.

- C'est la soeur d'Asrael, admit enfin Hortense avec une moue triste. Je vous laisse deviner que depuis la mort de celui-ci, elle n'est plus très... sociable. Même mes délicieux cookies auxquels personnes ne résiste ne parviennent à la dérider. Au fait, ne t'inquiète pas Maxime : les armes arcaniques peuvent également être utilisées par des humains.

Le visage de l'intéressé s'illumina. Encore une fois, la vieille femme avait lu dans les pensées de ses interlocuteurs.

Daniel fut soulagé pour son ami.

- Qui ne tente rien n'a rien, non ? On arrivera bien à la convaincre !

Maxime était au comble de l'excitation. La tournure que prenaient les événements n'était pas pour lui déplaire, bien évidemment. Will, au contraire, commençait à montrer des marques d'exaspération et d'énervement : tout ce qui lui importait désormais était de se venger de ce mage qui l'avait manipulé pendant tant d'années Tout le reste passerait au second plan. Bien que son visage restât dans une stoïcité de statue, les mouvements saccadés de son genoux gauches traduisaient son impatience. Hortense s'en aperçut et lui lança un regard froid et désapprobateur. Les flambeaux aux murs de la maison passèrent de la chaleur de l'orange à un bleu glacial. La vieille femme était vraisemblablement de très mauvaise humeur.

Daniel n'osa pas parler. Ce changement brutal d'attitude n'inaugura rien de bon. Il jeta un coup d’œil vers son frère. Il n'était plus le même qu'avant, sans réellement comprendre pourquoi. Il se souvint du tatouage qu'il portait sur son épaule. Un tatouage malsain qui le liait avec une autre personne. C'était tout ce qu'il savait. Il devait bien l'avouer, le William qu'il avait connu lui manquait énormément. Mais Daniel n'avait-il pas changé non plus ?

- Je... commença-t-il en posant sa main délicatement sur l'épaule de son frère, avec hésitation.

Au moment où il le toucha, il sentit un battement de cœur distinct se détachant des autres. Tout ce qui les entourait s'effaça complètement, et des bribes de souvenirs appartenant aux deux mages se formèrent autour d'eux. Dans l'esprit de chacun apparurent des images représentant des moments vécus par l'autre. Cette accumulation importante et soudaine de nouvelles données fut très douloureuse à supporter, leur cerveau avait du mal à suivre. Vint ensuite un grand flash de lumière blanche. Daniel ouvrit les yeux.

- Hein ? Où suis-je ?

Il regarda de droite à gauche et se rendit compte qu'il était à présent dans une tente. Il constata que son frère était à ses côtés, enchaîné, privé de ses mouvements. Il avait l'air plus jeune, aussi.

- Que t'est-il arrivé ?! s'affola-t-il.

Il ne réagit pas. Vraisemblablement, il ne l'entendait pas. Il tenta de lui venir en aide en le défaisant de ses liens mais sa main traversa littéralement les chaînes et par la même occasion son frère, sans la moindre réaction de sa part non plus.

- Je ne peux avoir... aucune interaction ?! Mais où je suis bon sang ?! s'inquiéta-t-il.

Son attention fut attirée par une étrange personne, portant un long manteau noir, qui venait les rejoindre. Il s'empara violemment de William et partit avec lui, après avoir déposé une bourse généreusement remplie. Il les suivit et quitta la tente. Nouveau lieu, nouveau souvenir. Il se trouva cette fois-ci une pièce très sombre, éclairée faiblement par des chandeliers. Son frère était attaché à un mur, et en face de lui se dressait le même individu au long manteau noir qui l'avait emmené de force ici.

- Deviens pour l'éternité mon esclave ! ordonna-t-il.

Il attrapa la tête de son détenu avec sa main entourée d'une aura sombre et malsaine. William poussa un hurlement de douleur, sentant son esprit le quitter et une épouvantable brûlure sur son épaule gauche. Daniel le savait car il la ressentait également, il partageait sa souffrance.

- ARRÊTEZ ! cria Daniel, désemparé.

L'image craquela puis éclata tel du verre. Lorsqu'il se rendit compte qu'il était à nouveau dans un autre lieu, la première chose qu'il vit était un liquide rouge giclé, puis un corps sans vie tomber, baignant dans son sang. Il put ainsi voir qui était son assaillant. William ! Il observa l'absence de vie dans son regard, son visage inexpressif, et le tatouage en forme de lune sur son épaule gauche. Cette même scène cauchemardesque se répéta plusieurs fois, avec des victimes différentes, et toujours le même meurtrier.

Tout redevint normal autour de lui. Il était revenu vers Hortense et Maxime, même s'il n'était jamais réellement parti, sauf son esprit. Il enleva sa main de l'épaule de son frère.

- C'était donc ça...

[Comme tu l'auras compris, tu es censé voir et vivre des souvenirs de Daniel. Bon, il me semble évident quel souvenir tu es censé voir, mais tu peux en rajouter un peu comme je l'ai fait Razz

]

William sentit que quelque chose n'allait pas. Pourquoi la tête lui tournait-elle ? Il ne pouvait concevoir ce qui allait advenir à ce moment. Soudain, sans qu'il ne s'y attende aucunement, le sol se déroba sous ses pieds : il ferma les paupière et lorsqu'il les rouvrit, le décor était radicalement différent. A la demeure enchantée d'Hortense s'étaient substitués les murs de marbres, les dorures somptueuses et les pierres précieuses incrustées dans les portes caractéristiques du palais du roi. Le jeune homme fit quelques pas avant de s'apercevoir qu'à son côté se tenait Daniel. Ce dernier portait un magnifique costume de pourpre brodé de fils d'or. Du bruit se fit entendre : Daniel et son frère se dirigèrent vers la Grande Salle de réception. Quand ils passèrent les lourds battants d'ébène aux magnifiques gravures racontant l'histoire du pays, depuis des siècles, William se rendit compte avec horreur que des hommes encapuchonnés attaquaient le resplendissant palais. Le jeune homme regarda son frère. Il tenta de dire quelque chose mais aucun son ne sortit de sa gorge. Il assista avec dégoût et horreur à ce massacre. Puis, une lumière blanche, puissante et aveuglante.

Hortense regardait les deux jeunes frères, comprenant, tandis que Maxime leur lançait des regards inquiets et interrogateurs tout à la fois.

Daniel s'en voulut. Tout était de sa faute. Tout. Il était son frère jumeau, il aurait dû sentir que quelque chose clochait, qu'il souffrait. Il aurait dû le sauver. Pourquoi... Pourquoi ?!

- Je suis désolé... commença-t-il en pleurant à chaudes larmes. C'est à cause de moi... Je suis désolé... Je suis un mauvais frère. continua-t-il en le prenant dans ses bras. Je suis désolé...